7 Août 2019
L’année 1975 où Saïgon était pris par les Communistes
marqua la fin de plus de trente ans de guerre fratricide
Comme des milliers d’officiers du Sud subissant ce fléau
mon mari fut mené en prison pour le lavage de cerveau
‘La ré-éducation’ des détenus annoncée pour une semaine
mais des mois passés sans avoir reçu de ses nouvelles
Je commençais à m’angoisser de sa longue détention
Le sort de mon mari me paraîtrait au bord de l’agitation
Toute jeune épouse portant dans mes bras un petit bébé
J’éprouvais le même état d’esprit de la ‘femme d’un guerrier’(1)
que la poésie vietnamienne dans son lyrisme avait illustrée
et que dans mes années d’études au collège j’avais étudiée :
‘Lorsque les bouleversements tremblent le ciel et la terre
Ce sont surtout les dames qui souffrent de tant de misères
Le Créateur, celui qui règne si loin au plus haut des cieux
Comment as-tu créé sans merci sur terre tant de malheurs ?’
Les lieux de détention de prisonniers étaient bien protégés
La matière grise de toute une génération s’était confinée
La date du retour de mon époux s’avérait dans l’opacité
J’avais passé des moments de cauchemar dans l’importunité
Au bout de six mois de détention les visites furent autorisées
Les retrouvailles se firent dans la joie et les pleurs entremêlés
L’apport des médicaments et de la nourriture bien cachée
était nécessaire pour mon époux d’affronter les difficultés
Une fois que l’endroit de la déforestation avait été repéré
en tenue de montagnard je me hasardais à me déguiser
En attendant son passage, dans les ronces je me suis cachée
en imitant un chant d’oiseau on se retrouva pour un baiser
Le besoin des diplômés permit à mon mari d’être relâché
le destin nous a conduit à émigrer dans un pays civilisé
où l’on bénéficie de la justice, la démocratie et la liberté
Ce cauchemar est passé mais ma vie encore traumatisée
Marie Thérèse HO
Dédié à mon mari bien aimé
Note (1):
Les premiers vers traduits du chef-d’œuvre de la littérature vietnamienne du 18ème siècle intitulé ‘ Complaintes de la femme d’un guerrier’ dont le mari est parti pour la guerre.
L’esprit chevaleresque d’un guerrier de l’époque, c’est de se sacrifier sur le champ de bataille et d’avoir son corps enseveli dans la peau de son cheval.